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23 novembre 2004

Usine à romans

SIMENON

Le journal de la première femme de l'écrivain, qu'il a surnommé Tigy, révèle une certaine vérité de l'homme. Extraits.

EXCLUSIF

Tigy, il l'appelait Tigy

PAR Annick GEILLE
[18 novembre 2004]

Le Figaro littéraire

Georges Simenon était reporter à la rubrique « faits divers » de La Gazette de Liège sa ville natale lorsqu’en ce Noël de 1920, il rencontre Régine Renchon, peintre et élève des Beaux-Arts. Touché par son charme et sa blondeur, il la surnomme aussitôt Tigy et l’épouse en 1923. Le soir des noces, le couple prend le train pour Paris. Les débuts des Simenon sont un peu difficiles, mais toujours amusants.
Pendant des années, du rez-de-chaussée sans eau de la place des Vosges à la Coupole, de la Bretagne à Porquerolles, le jeune couple ne cesse de faire et de défaire ses valises. Une existence assez gaie de « bourgeois bohèmes ».
Aux fins, avant la lettre, de mois difficiles succède, dès 1924, une certaine aisance. Celui que Tigy appelle avec dévotion « le Patron », a la plume tellement facile qu’il est devenu une « usine à romans », note en secret son admirative épouse dans ses Carnets intimes, restés jusqu’à ce jour inédits.

La jeune Liégeoise, que Paris et son mari éblouissent également, renonce à la peinture pour se consacrer à la carrière de son mari, comme on disait à l’époque. « Georges aime avoir mon opinion sur le chapitre écrit le matin », note fièrement Tigy, devenue mère de Marc, le premier enfant de l’écrivain, auquel elle écrit tout, ou presque, de sorte qu’il puisse connaître « plus tard » la vie de ses parents.
La puissance créatrice de Georges Simenon s’accompagne d’une vitalité hors pair. Sous divers pseudonymes, Simenon écoule ses articles dans divers journaux, dont Le Matin que dirige Colette. Celui qui signe Georges Sim ne tient pas en place. Pour produire ses vingt feuillets par jour, il lui faut sans cesse changer de décor. Tigy prend des notes, se tait, ne voit rien (ou ne veut rien voir). Pas même la passion du Patron pour Joséphine Baker, qui dure jusqu’en 1927.

En 1928, Georges Simenon entraîne Tigy et « Boule », jeune servante qui deviendra leur compagne de jeux, pour un tour de France fluvial à bord du Ginette. Malgré la navigation, et le travail des écluses, « le Patron tape son roman à tour de bras sur la petite table pliante ». Il publie environ trente livres par an, fournissant en « romans populaires » les éditeurs Tallandier et Ferenczi. C’est à bord d’une autre péniche l’Ostrogoth, filant vert la Hollande, que « Le Pacha », toujours dorloté par Tigy et Boule, esquissera le personnage de Maigret...
Mère modèle, parfaite compagne, Tigy ne s’est jamais plainte de rien, pas même de la fin de son mariage, car à l’époque où elle vécut avec Simenon des années 20 à 1950 , il était indiscutable que les femmes devaient se sacrifier pour le bonheur de leur famille, tout en acceptant les incartades de monsieur, d’autant plus digne de « compréhension » qu’il était un artiste.

L’intérêt documentaire d’une telle parution est évidemment très grand. Nous croyions tout savoir de l’écrivain. Cependant, mieux que certaines biographies, le journal de sa première Mme Simenon révèle une certaine vérité de l’homme. « Elle s’appelait Régine Renchon, Simenon la surnommait Tigy, pour moi c’était Mamiche, ma grand’mère », dit, en préambule de l’ouvrage, Diane Simenon, fille de Marc. Ce fils tant aimé, auquel Tigy s’adressait, étant mort, Diane Simenon a dû prendre seule la difficile décision de publier les fameux Carnets. Et d’ouvrir l’album de famille...


Souvenirs de Tigy Simenon
Cahiers inédits présentés par Diane Simenon
Gallimard, 207 p.
A paraître le 25 novembre 2004.

Commentaires
Propos insignifiants
  • Promenade buissonnière parmi les livres et les écrivains, avec parfois quelques détours. Pas d'exhaustivité, pas d'ordre, pas de régularité, une sorte de collage aussi. Les mots ne sont les miens, je les collectionne.
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