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4 décembre 2004

Stalag

Stalag
de Jean Védrines

Par Sébastien LAPAQUE
[02 décembre 2004]


Stalag, de Jean Védrines, La Table Ronde, 220 p., 17,50 €. 

Le Figaro littéraire

C'est l'histoire de Brunet et Berthol, deux garçons impatients de revoir leur père au lendemain de l'enfoncement du front oriental par l'armée soviétique et de la débâcle allemande de 1944. Dans un hameau des Alpes, les enfants veillent jalousement la maison du père absent depuis un autre effondrement, une autre débâcle, celle des armées françaises au printemps 1940. Un malheur pour les deux gosses mais aussi, mais surtout d'imprévisibles vacances de la vie. C'est le sort commun d'une génération.

«Trois, quatre millions de pères, là-bas, en Allemagne, ça fait douze ou treize millions de gamins tranquilles, sans taloches, gueulades, coups, heureux avec leurs mères, leurs soeurs et même leurs frères...»

Après Château perdu et L'Oiseau de plomb (1), le troisième roman de Jean Védrines envisage la catastrophe européenne par le petit bout de la lorgnette. Le drame qu'il met en scène est pourtant universel, il est celui de millions de jeunes Européens entrés dans l'âge d'homme sous un déluge de fer et de feu, au milieu de mots d'ordre et commandements fous, sous le soleil noir de la propagande. Une expérience qui a complété dans l'horreur celle des orages d'acier qu'avait connue la génération d'avant.

Comme L'Oiseau de plomb avait rendu hommage au grand-père de l'auteur, l'anarchiste Jules Charles Toussaint Védrines, as de la Grande Guerre qui rêvait de bombarder Berlin et posa son Caudron C- 23 sur le toit des Galeries Lafayette à Paris le 19 janvier 1919, Stalag salue la mémoire de son père, le communiste Henri Védrines capturé en 1940.

Né en 1955, le romancier n'est ni Brunet ni Berthol. Du Stalag qui donne son titre à son roman sans qu'on n'y pénètre jamais, il a pourtant rêvé lui aussi, s'inventant entre le sommeil et la veille les images des quatre longues années de captivité passées par son père au stalag 3A, dans le Brandenbourg. «À l'est de l'Allemagne. Très à l'est.» Par là, c'est un peu lui qu'il met en scène à travers ses deux personnages, enfants humiliés trop jeunes pour faire la guerre, mais assez vieux pour en sentir l'horreur, face à un ennemi industrialisé jusqu'aux dents, un Teuton blindé et mécanisé qui a «le génie de la fournaise, du brasier, des moteurs à feu et des jets bouillants».

La longue marche de Brunet, qui décide de quitter la maison familiale pour aller à la rencontre de son père, c'est l'itinéraire de l'auteur à travers le songe pour retrouver la jeunesse enchaînée du sien.

On comprendra que la langue de Jean Védrines quitte souvent les sages chemins du récit pour s'enfoncer dans les ténèbres épaisses du monologue intérieur. Le motif de son livre, hanté par autant de fantômes que de vivants, est trop grave pour qu'il ait pu se satisfaire du style léger et transparent des jeunes gens à la mode. C'est la douleur et la peine des hommes que dit son livre rude et rauque, plein de hoquets et de rage.

Certaines pages méritent d'être lues à voix haute. La langue de Jean Védrines fait alors mieux que d'être comprise, elle s'entend : «C'est le matin froid, linge gris au carreau, au ciel terne. Tôt dans la nuit, un grondement de gros moteurs, une basse grave, enragée a remonté la vallée, enflé, tonné, puis rien, un écho de tôle, un grésillement. Camions, charrois en maraude ? Avions, nefs de fer serrant au plus près la terre nue, plissée, taillée pauvre, décollant par meutes pour l'orgie, la coulure de feu ?»

Sur la route qui doit le mener vers son père, Brunet croise d'étranges personnages, comme ce «Cinéma» qui ressemblerait à un personnage de Céline s'il ne maudissait les Allemands, «des embouilleurs, oui, des compliqués enragés». Ce qui n'empêche pas Brunet de poursuivre sa route – une, deux, une, deux – fidèle à l'étoile et au souvenir du père.

(1) Éditions de La Différence.

Commentaires
D
Merci pour votre passage. On trouve Stalag par exemple ici :<br /> <br /> http://www.alapage.com/-/Fiche/Livres/2710327155/?donnee_appel=GOOGL<br /> <br /> Il est aussi possible de rencontrer des gens de La Table Ronde au Salon du livre de Paris.<br /> Cordialement.
D
Mon père était au stalag 3a, comment me procurer ce livre.<br /> cordialement
B
Je suis ému par la découverte de ce roman car mon oncle était avec votre glorieux Père au Stalag 3A à Lükenwalde. Et ma tante a été l'élève de votre tante professeur à ROUEN. Vous appartenez à une Grande Famille avec un noble Nom ! Je suis très fier que mes parents aient cotoyé les votres et je ne manquerai pas de vous lire Monsieur Jean Védrines, je suis de la mème gération que vous <br /> Très cordialement---- Robert DROUARD
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  • Promenade buissonnière parmi les livres et les écrivains, avec parfois quelques détours. Pas d'exhaustivité, pas d'ordre, pas de régularité, une sorte de collage aussi. Les mots ne sont les miens, je les collectionne.
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