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18 mars 2005

Boris Akounine et Alexandra Marinina

Akounine et Marinina, tsar et star du polar

Par Bruno CORTY
[17 mars 2005]

Le Figaro littéraire

En Russie, terre de grands espaces, on aime le souffle, la littérature généreuse, les beaux conteurs. Près de 30 millions de Russes ont dévoré les oeuvres complètes de Dumas. Simenon et Agatha Christie, peu dérangeants du point de vue politique, ont aussi touché un public très large. Mais, à part ces noms célèbres, gages d'une certaine qualité, les Russes n'ont eu à se mettre sous l'oeil, jusqu'en 1991, que de pauvres imitations de policiers américains, des ersatz indignes des quais de gare.

Aujourd'hui, le polar retrouve des couleurs. Il exprime sa richesse à travers deux courants bien distincts. Le roman de procédure policière, qui s'attache à décrire fidèlement le fonctionnement de la police. Et le roman d'aventures, façon feuilleton, cher aux maîtres du XIXe siècle. Ces deux genres sont incarnés par deux fortes personnalités. Alexandra Marinina, de son vrai nom Marina Anatolïevna Alexeïa, née à Lvov, en 1957. Et Boris Akounine, pseudonyme de Grigori Chalvovitch Tchkhartichvili, né en Géorgie en 1956.

Pas de doute, Alexandra Marinina a lu Simenon et Ed McBain. Le crime, elle en connaît un rayon. Fille d'un officier de police, elle suit ses traces et gravit, très vite, les échelons. Spécialiste en criminologie, elle abandonne l'administration en 1998, avec le grade de lieutenant-colonel, et affronte la page blanche. Cette stakhanoviste publie, en une décennie, 22 romans vendus à plus de 25 millions d'exemplaires dans son seul pays.

Traduite en 18 langues, Marinina écrit plus vite que son ombre. Pour autant, on s'attache sans mal à son héroïne, Anastasia Kamenskaïa, détective de la brigade criminelle à Moscou. Car cette «fliquette» n'a rien d'un Rambo au féminin, ni d'une bimbo. Jamais armée, peu courageuse, elle ne sait pas cuisiner et fume comme un sapeur. Mais ce petit soldat est comme un taureau dans l'arène du crime : une fois lancée, rien ne l'arrête.

L'intérêt des sept volumes, traduits à ce jour au Seuil (1), réside dans la passionnante description d'une société russe que l'on voit bien abîmée. Marinina a l'oeil sur tout : corruption policière, liens entre la mafia et les hommes politiques, méthodes discutables des services secrets, faux pas de la justice. Rien ne lui échappe. Si l'on n'est pas trop regardant quant au style, et si l'on passe, en souriant, sur les intrigues amoureuses dans le goût d'Arlequin, on prend du plaisir à découvrir, dans le détail, la vie quotidienne dans la Russie du Vladimir qui n'est pas Lénine.

Si l'on a les yeux fragiles et qu'on se régale de clins d'oeil littéraires, il faut alors suivre Boris Akounine. Ce brillant universitaire, spécialiste d'histoire, de philologie et de japonais, a dirigé la prestigieuse revue Inostrannaïa Literatoura (Littérature étrangère). Il a aussi traduit Mishima, Inoué et travaillé à l'établissement d'une anthologie de la littérature japonaise, soit 20 volumes. On lui doit également un essai sur L'Écrivain et le suicide, fort réputé dans son pays. Depuis 1998, le brillant Akounine s'amuse, invente de beaux personnages, lance des cycles romanesques impressionnants. Par exemple douze volumes des aventures d'Eraste Petrovitch Fandorine, membre de la police secrète, dont on suit le parcours de 1876 à 1919. La série à peine terminée, Akounine imagine les aventures de Nicholas, petit-fils d'Eraste, et conçoit, en parallèle, une trilogie consacrée aux aventures de la soeur Pélagie.

Les Presses de la cité, qui ont su dénicher la perle rare (2), publient Pélagie et le bouledogue blanc, premier volet formidable, n'était l'horrible couverture du livre. Nous sommes au XIXe siècle. Une région éloignée de tout, au milieu des forêts et des marécages, où flottent, à l'occasion, des corps sans tête. Les chiens chéris d'une aristocrate sont assassinés. Un haut fonctionnaire de Saint-Pétersbourg, séducteur et retors, décide de mettre au pas les notables de la région. Séduit des femmes. Convoite une fortune. Et le sang coule à flots. On fait le procès des ethnies dont on veut se débarrasser. Du côté des justes : le charismatique archevêque Mitrophane et son détective favori, soeur Pélagie, petite rousse maladroite mais vive comme un moineau.

Des références à Pouchkine, Dostoïevski, Lermontov, des clins d'oeil à Agatha Christie, Conan Doyle, une Russie religieuse et païenne, artistique et bestiale. C'est intelligent, drôle, et plutôt bien écrit...

(1) Le Styliste paraît ces jours-ci en Points/policier.

(2) Le Conseiller d'État paraît ces jours-ci en 10/18.

Pélagie et le bouledogue blanc

de Boris Akounine

traduit du russe par A. Karvovski et 0. Chevalot

Presses de la cité, 346 p., 19 €.

Ne gênez pas le bourreau

de Alexandra Marinina

traduit du russe par G. Ackerman et P. Lorrain

Seuil/policiers, 412 p., 22 €.

Commentaires
Propos insignifiants
  • Promenade buissonnière parmi les livres et les écrivains, avec parfois quelques détours. Pas d'exhaustivité, pas d'ordre, pas de régularité, une sorte de collage aussi. Les mots ne sont les miens, je les collectionne.
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