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Propos insignifiants
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21 mai 2005

Dominique de Roux dans le Monde

Trois autres articles dans le fil "un écrivain rebelle" :

http://propos-insignifiants.forumactif.com/index.forum

L'édition à coups de foudre

Le Monde des livres  21.04.05   






ort en 1977, à 41 ans, Dominique de Roux revient d'outre-tombe. Et, si l'on en croit Jean-Luc Barré, son biographe, qui le décrit comme "l'une des figures taboues de l'histoire littéraire contemporaine", ce retour est aussi celui d'un refoulé, d'un "exilé de l'intérieur". Né en 1935 dans une famille de tradition monarchiste, le comte de Roux ne s'est jamais plu au monde bourgeois, qu'il jugeait ­ après bien d'autres ­ pourrissant et "bâclé". "L'aristocratie, c'est une question de cruauté, organiser sa mort, application du transitoire, comment tuer. Seule la bourgeoisie cherche à durer." Pour ne pas durer et crever son siècle atteint d'"une fatigue de mort", de Roux a choisi une arme éternelle, la littérature. Il sera écrivain et éditeur. Pour lui, c'est la même porte ouverte aux rencontres, à la joie, à la subversion, car cet aristocrate était surtout un révolutionnaire.

En 1961, un an après la parution de son premier roman, Mademoiselle Anicet, le jeune homme autodidacte et fougueux crée Les Cahiers de l'Herne. Ces beaux et gros volumes salueront, entre autres, Bernanos, Céline, Borges, Michaux, Burroughs, Mao Tsé-toung, Soljenitsyne, Gracq... Le spectre est large et les Cahiers s'ouvrent aux contributions les plus diverses, de l'avant-gardiste Philippe Sollers au collaborateur Lucien Rebatet. A L'Herne, mais aussi chez Julliard, Plon, Christian Bourgois ou 10/18, de Roux pratique l'édition à coups de foudre et de marteau. Il orchestre la visite en France du poète américain maudit Ezra Pound. Il révèle l'oeuvre du Polonais Witold Gombrowicz. Il défend les errants, les beaux monstres, les "impardonnables". "Les écrivains doivent se perdre, la réussite tend à avilir", écrit-il dans La Mort de L.-F. Céline (1966). Cet essai lui vaudra d'être taxé de fascisme par la revue Tel Quel et une partie de la gauche intellectuelle. L'injure sera colportée jusqu'au délire.

Autour de l'insaisissable de Roux valseront d'autres étiquettes et fantasmes (maoïste de droite, gaulliste de gauche, agent de la CIA) au gré des auteurs qu'il publie, des livres qu'il écrit, des pays qu'il traverse. C'est que de Roux pensait dans tous les sens et voyait tout le monde, des néo-mussoliniens comme des poètes de la Beat Generation ou André Glucksmann. Toujours entre deux avions, ce drôle d'oiseau n'adhérait vraiment à rien. Sa rage volait loin des vieux camps retranchés. "La droite n'est qu'un boy-scoutisme lamentable et la gauche un cléricalisme bien-pensant." En 1972, il sera viré du groupe des Presses de la Cité pour outrages à Georges Pompidou et Roland Barthes dans son brûlot Immédiatement.

Les chiens de garde aboient et l'écriture passe. Et seule l'écriture importait pour de Roux. En lui, Barré distingue finement la frime du feu sacré, l'écume mondaine du fond tragique, la formule assassine du chant crépusculaire. Pour de Roux, "il n'y a de grande écriture que de l'agonie". L'homme aimait aussi à l'agonie, comme en témoignent des lettres inédites à Jacqueline, l'épouse des origines, mais aussi à d'autres muses. "La femme est essentiellement pour moi inspiratrice." Barré a raison d'ajouter qu'elle est aussi chez lui "signe et mémoire d'un autre monde".

Finalement moins provocateur que rebelle, de Roux, qui s'est toujours référé à "autre chose", à un "ailleurs", est sans doute, avec Ernst Jünger, le dernier grand représentant du romantisme européen. Un romantisme total, de sens, de style et d'action.

Comme Chateaubriand eut son Amérique et Lord Byron sa Grèce, de Roux aura, dans les années 1970, son Afrique portugaise. Il sillonnera les colonies lusitaniennes (Angola, Guinée-Bissau, Mozambique) alors en pleine guerre de libération. Ses aventures et menées secrètes le conduiront dans les coulisses de la révolution des oeillets, à Lisbonne, en avril 1974, puis dans le maquis angolais aux côtés du leader indépendantiste Jonas Savimbi, dont il deviendra le conseiller et l'émissaire européen. "Si souvent, j'ai pris congé."  L'exil n'était pour ce visionnaire que matière à renaître. Il est mort d'un organe qui lui ressemblait bien, le cœur. Mais il était écrit qu'il repartirait. Sérieusement relancé par Jean-Luc Barré, Dominique de Roux bat encore.

Jean-Marc Parisis

Commentaires
Propos insignifiants
  • Promenade buissonnière parmi les livres et les écrivains, avec parfois quelques détours. Pas d'exhaustivité, pas d'ordre, pas de régularité, une sorte de collage aussi. Les mots ne sont les miens, je les collectionne.
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