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Propos insignifiants
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21 octobre 2006

Michel Déon par Benoît Duteurtre

Michel_D_on

Une formidable liberté d'invention

J'ai rencontré Michel Déon par la musique... C'était dans une Salle de répétition, sous les toits de la salle Favart où se déroulait une lecture de son opéra Une jeune Parque, mis en musique par Rémy Gousseau. En bavardant avec lui, j'ai vite compris que le romancier Déon était aussi un amoureux des arts, spécialement de la musique (il signa même un opéra-bouffe avec Pierre Petit) et de la peinture. En témoignent les textes rassemblés à la fin de ce volume d'oeuvres, illustrés par ses amis : Willy Mucha, Georges Ball, Jean Cortot, Julius Baltazar... souvenirs d'un Paris artistique et bibliophile presque disparu de nos jours où chaque milieu artistique semble enfermé dans sa spécialité, ses chapelles et ses enjeux de pouvoir.

Autre chose me frappe à la lecture de ces textes brefs : leur formidable liberté d'invention, dans une grande diversité de registres : fantaisie visionnaire dans le sillage de Michaux (Balinbadour, un pays où le mot aurore se dit « kxjttrp »), nouvelle teintée de surréalisme (cette jeune Parque qui fascine un groupe d'adolescents au bord de la mer), poésie en vers et en prose (Un chantier de démolition, Les Migrateurs du monde), satire loufoque à la Swift (Hu-tu-fu, où des congressistes pratiquent un curieux tourisme sexuel), antiquité revisitée par les temps modernes (Lettre ouverte à Zeus, Dernières Nouvelles de Socrate, Le Livre de Jason)... J'insiste sur cette liberté pour ne pas laisser croire - aux élèves formatés par l'enseignement scolaire - qu'au milieu du XXe siècle, s'opposaient le camp de l'audace (le « nouveau roman ») et celui du conservatisme (les « hussards »). À la lecture des oeuvres, c'est souvent le contraire qui apparaît, spécialement chez Déon, lui qui travailla aussi bien avec Salvador Dali et se montre ici aventurier, expérimentateur en littérature, habile à passer d'un genre à l'autre, comme ne le font plus guère nos fabricants de romans. De ces morceaux variés se dégagent pourtant quelques constantes, comme le goût passionné du ciel et des nuages, ou ce questionnement récurrent sur les dialogues qui se tiennent, là-haut, dans l'infini...

Benoît Duteurtre, Le Figaro, 19 octobre 2006.

Commentaires
Propos insignifiants
  • Promenade buissonnière parmi les livres et les écrivains, avec parfois quelques détours. Pas d'exhaustivité, pas d'ordre, pas de régularité, une sorte de collage aussi. Les mots ne sont les miens, je les collectionne.
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