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Propos insignifiants
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22 octobre 2006

Michel Déon par François Taillandier

Les droits sacrés du plaisir

Je pourrais dire que c'est un beau roman. Je pourrais dire que c'est écrit dans une prose souple et sub­tile, virtuose mais qui se fait oublier : la classe à travers la simplicité, c'est la véritable définition de l'aristocratie.

Je pourrais dire que l'on croit à tous ces personnages, on les sent, on respire l'odeur des parquets, le matin à Cap-Ferrat, et le romancier mêle si finement les références réelles aux fruits savoureux de son imagination, que l'on a l'impression de lire de l'histoire littéraire.

Car Un déjeuner de soleil raconte la vie d'un écrivain imaginaire, dont Michel Déon a inventé tous les romans, et toute la biographie compliquée, et les secrets, et les amours. C'est un roman qui évoque de façon virtuose l'infinie question des rapports du roman avec le réel, du réel avec la fiction. C'était déjà l'affaire de Cervantès et celle de Diderot, entre autres.

Et pourquoi est-ce virtuose ? Parce que sans préjugé. L'auteur n'a établi aucun tableau de bord. Il joue avec ça. Le roman ne pense pas : le roman joue. Et c'est pour ça qu'il pense. Bref, je pourrais développer toutes sortes d'idées autour de ce roman (et d'autres pages de Déon). Mais il me semble que je ne dirais pas l'essentiel de ce que me communique son oeuvre. Elle me communique une nostalgie, parfois douloureuse. Le monde dans lequel elle s'enracine n'était pourtant pas drôle. Il comportait des guerres, des injustices, des horreurs. Mais face à cela, il a été de ces écrivains qui ont affirmé les droits imprescriptibles du plaisir, de l'amour des autres, du goût de connaître, de l'admiration de ce qui est beau, de l'étonnement, du bonheur de vivre. La qualité mystérieuse des personnages de Déon, c'est leur sentiment de la vie, exquis et sans phrase. Quand je lis ça, j'ai l'impression de vivre comme une brute, dans un monde de brutes.

François Taillandier, le Figaro, 19 octobre 2006.

Commentaires
Propos insignifiants
  • Promenade buissonnière parmi les livres et les écrivains, avec parfois quelques détours. Pas d'exhaustivité, pas d'ordre, pas de régularité, une sorte de collage aussi. Les mots ne sont les miens, je les collectionne.
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