Le plus grand fils de la littérature mondiale
Philip Roth n'ironise pas. C'est en effet un auteur plein d'esprit, extrêmement drôle parfois jusqu'à la méchanceté, et il a mis quelque chose de sa véhémence frénétique dans le personnage du frère, Jerry. Il n'empêche, Pastorale américaine est un roman élégiaque. Mieux, Philip Roth est un auteur élégiaque. Avant qu'il ne s'ouvre, avec ce livre, sur une troisième génération, il nous a raconté la mort de la génération qui l'a précédée de toutes les façons possibles. Ses héros perdent leurs parents : une fois c'est le père avant la mère, une autre fois, la mère avant le père. Philip Roth est le plus grand fils de la littérature mondiale. Mais un fils avec toutes les modalités justement du rapport de filiation : la rébellion certes, la moquerie, mais aussi l'infinie mélancolie de survivre. C'est un survivant, et à ce titre, un auteur élégiaque.
Alain Finkielkraut, hors série Transfuge, juin-juillet 2006.