Un vrai et franc exercice intellectuel
Sauf à être candide, ou sottement vertueux, on est forcé de le reconnaître : voilà ce qui s’appelle une opération bien menée. Son revers évident, qui n’est pas mince, étant qu’on ne peut s’empêcher de considérer avec suspicion l’ouvrage dont le lancement a été ainsi orchestré. Est-ce à dire que son contenu ne suffit pas, pour qu’il faille lui préparer une telle rampe de lancement ? C’est dommage car, après lecture, il s’avère que cette méfiance n’est pas justifiée. Le titre du livre est certes absurde, qui fait écho à l’étonnante posture victimaire que partagent le romancier de La Possibilité d’une île et l’essayiste-écrivain : ils seraient l’un et l’autre des « ennemis publics », sujets de la vindicte quasi unanime de la presse et des milieux intellectuels, maltraités par les médias, qui en prennent ici pour leur grade... Mais lorsqu’entre les deux hommes la conversation s’installe véritablement, émergent de vrais moments d’intimité et de sincérité – chacun d’eux dresse ainsi, par exemple, un très beau portrait de son père –, surgissent et se développent des réflexions d’une incontestable tenue, qui éclairent le travail de chacun, son parcours intellectuel, son rapport à la pensée et à l’écrit. Un grand livre ? C’est trop dire. Mais un vrai et franc exercice intellectuel, dont la valeur risque d’être engloutie par le torrent médiatique.
Télérama, 4 octobre 2008.