Une âme malsaine a besoin d'un corps en bonne santé
Murakami ne pense pas qu'un écrivain doive "mener une vie déréglée afin de pouvoir créer". Dénonçant cette "vision stéréotypée", il affirme, dans une formule un peu curieuse : "Une âme malsaine a besoin d'un corps en bonne santé."
Des écrivains cyclistes, comme Antoine Blondin, ont admirablement célébré le vélo. La course à pied inspire moins d'exercices littéraires. Récemment, Jean Echenoz a consacré un beau livre au marathonien Emil Zatopek (Courir, Minuit, 2008), mais sans se mettre lui-même à nu, comme le fait Murakami.
Voici en effet un romancier qui nous parle de ses semelles, de son short, de sa transpiration, de chacun de ses muscles, les comparant à "des animaux au travail, très consciencieux", qui ne se plaignent pas, quitte à "faire la grimace, parfois". Ils sont capables en effet de donner le meilleur d'eux-mêmes, pour peu qu'on sache leur parler, "leur rafraîchir la mémoire" et leur "montrer qui commande". Sinon ils se relâchent, et c'est la catastrophe. Un certain goût de la solitude a poussé Murakami vers l'écriture et la course à pied. Il ne crache pas sur la compétition puisqu'il participe à un marathon (42 kilomètres) tous les ans et participe à des triathlons. Son souci, assure-t-il, n'est cependant pas de battre les autres, mais de se vaincre soi-même.
Le Monde, 9 avril 2009, à propos de Autoportrait de l'auteur en coureur de fond.