Définitivement grinçant
Muray, c'est Luchini qui en parle le mieux. Le comédien, qui triomphe actuellement au Théâtre de l'Atelier à Paris avec son spectacle tiré de ses textes, a réussi l'impensable:
propulser l'auteur insoumis en pleine lumière cathodique. À la fin du
mois d'août, Marie Drucker a ainsi consacré sept minutes de son journal à
évoquer avec Luchini l'écrivain disparu. Celui qui écrivait
ironiquement en 1993 dans les colonnes de L'Idiot international:
«J'ai confiance en la télé de mon pays» ne croyait pas si bien dire. Il
est aujourd'hui rattrapé par celle qu'il honnissait. Qu'aurait-il pensé
en voyant son nom s'afficher au côté de celui de Luchini sur les
colonnes Morris? On peut imaginer une sacrée gêne si l'on considère les
textes contenus dans l'épais recueil que Les Belles Lettres viennent
d'éditer.Philippe Muray n'aimait
rien tant que vilipender son époque et son incarnation, l' «Homo
festivus» , vivant dans un parc d'attractions permanentes avec son lot
de défilés et de célébrations. L'essayiste est mort, en 2006, à 60 ans,
d'un cancer du poumon. Quatorze ans auparavant, il s'insurgeait dans un
de ses « Exorcismes spirituels », contre les directives européennes qui
allégeaient les cigarettes. «Mes Gitanes n'ont plus que la peau sur les
os», déplorait-il, avant d'adopter le cigare. Définitivement grinçant.
Le Figaro, 16 septembre 2010.