Un virtuose de la narration et du découpage
L’auteur de Cent ans de solitude symbolisait la prégnance du mythe, le sanglant et magique folklore amérindien, la lutte des peuples contre l’ogre nord-américain. Il a surtout répandu sur le monde un style, le fameux réalisme magique, où la matière des phrases, l’assonance des noms et le ton lancinant semblent épaissir le temps, comme une jungle, jusqu’à dissoudre dedans la conscience enfiévrée du lecteur.
Chez Vargas Llosa, rien de tel : il n’est pas un créateur du langage, mais un virtuose de la narration et du découpage. Il adapte à son projet les techniques inventées par d’autres. Il possède presque tous les registres, pouvant passer du récit tragico-épique (la Guerre de la fin du monde) au roman d’apprentissage burlesque (la Tante Julia et le scribouillard, Pantaléon et les visiteuses), de la grande rétrospection faulknerienne (Conversation à «La Cathédrale») au récit d’amour fou rendant hommage au surréalisme (Tours et détours de la vilaine fille).
Libération, 8/10/2010.