L’homme est responsable de son ignorance. L’ignorance est une faute.
Que reste-t-il de Monsieur K ? Cette question, il faut d’abord la poser à notre jeunesse : à la femme ou à l’homme qui, lisant jadis Risibles amours, la Plaisanterie - préfacé en 1968 par Aragon, préface désormais non reprise -, la Valse aux adieux, l’Insoutenable légèreté de l’être, crut mordre dans sa propre intelligence, en découvrant la faim d’être lucide.
Monsieur K a 81 ans. Faune de dentelle et d’acier, désormais de marbre : il entre vif dans la Pléiade, sous le funèbre qualificatif d’«édition définitive». Que reste-t-il en nous de l’homme qui évoquait «la solide bannière de l’irrationnel de l’âme féminine» ? De l’auteur du personnage qui disait : «Si l’on n’était responsable que des choses dont on a conscience, les imbéciles seraient d’avance absous de toute faute. Seulement, mon cher Fleischman, l’homme est tenu de savoir. L’homme est responsable de son ignorance. L’ignorance est une faute» ? Avoir 20 ans est un devoir que Stendhal fouette le jour, que Fitzgerald éveille la nuit. C’est une faute que Monsieur K permet de corriger.
Libération, 24 mars 2011.