Cendrars aurait pu être notre Conrad, notre Kipling
Cendrars aurait pu être notre Conrad, notre Kipling. Il les lut, mais ne les imita pas. Il est moins raconteur, moins inventeur de fictions. Il aime et revendique les "histoires vraies", mais il ne craint pas d'affabuler sur son propre compte. Ses anecdotes sont, le plus souvent, des portraits. Ce qui donnera l'effrayant Moravagine (Grasset, 1926) et la peinture de l'aventureux Johann August Suter, auquel il devra son plus grand succès, L'Or (Grasset, 1925). Il hésite entre la fascination pour les criminels et les fous, et l'admiration désolée pour les héros happés par l'échec. L'Or, traduit dans le monde entier, fait l'objet de deux films. Le cinéma lui parut, le temps d'un essai (La Vénus noire, dont les bobines ont été perdues) et sous l'instigation de Jean Cocteauu, une possible vocation. Mais écrivain il est, et écrivain il restera.
Le Monde, 28 avril 2011.
PARTIR. POÈMES, ROMANS, NOUVELLES, MÉMOIRES de Blaise Cendrars. Edition établie et présentée par Claude Leroy. Gallimard, "Quarto", 1 372 p., 127 documents.