Je suis une actrice, et me transformer, c’est mon boulot
Après avoir lu le livre, j’étais démoralisée. J’étais persuadée qu’on ne m’appellerait jamais pour interpréter le rôle de Lisbeth. J’étais trop féminine, trop sexy en quelque sorte. Alors, quand la production m’a fait signe, j’ai foncé. J’étais sans espoir mais électrisée. J’ai voulu les convaincre que moi aussi je pouvais ressembler à un garçon, prendre des allures de dur à cuire, maigrir ou grossir de 10 kilos. Je suis une actrice, et me transformer, c’est mon boulot. Une fois engagée, j’ai refusé d’écouter les conseils des uns et des autres. Tout le monde avait un avis sur mon personnage. Chacun avait une Lisbeth en tête. Aujourd’hui, je refuse de lire les critiques et surtout celles des internautes qui se sont déchaînés. Je crois savoir que, maintenant, près de 80 % d’entre eux m’ont acceptée comme incarnation de leurs fantasmes.
Je n’ai pas honte du blouson en cuir, des anneaux dans les narines, des cernes sous les yeux et de la violence qui sue par tous les pores de Lisbeth. Elle possède une sensualité ultradéveloppée puisqu’elle attire autant les hommes que les femmes. Lisbeth est un caméléon. Elle s’adapte. J’ai eu des discussions très vives avec le réalisateur. Au début, il avait fait de Lisbeth un personnage plus charmant, qui s’exprimait beaucoup. Il m’avait écrit un monologue, une tirade où elle racontait sa vie. J’ai bataillé pour que cela soit supprimé. Afin de conserver un côté introverti, sauvage, meurtri. Dans la vie, je partage cela. J’essaie d’oublier mon corps, mon visage. Si je tourne une scène matinale, je refuse d’être bien coiffée, comme par magie. Malgré cela, je suis une fan de mode, de fringues, de chaussures. Si je porte des vêtements noirs, ce n’est pas pour perpétuer le souvenir de la gothique Lisbeth mais parce que cela met en valeur ma peau blanche et mes cheveux noirs.
Noomi Rapace, Elle, 5 mai 2009.