Une mignonnette de vodka

Cette journée -la première de sa vie que Marie passait à l'étranger- méritait de s'achever par un geste ou une action hors de la routine pour quelqu'un qui ne buvait jamais d'alcool. Elle avait inspecté l'intérieur du minibar, pour jeter son dévolu sur une mignonnette de vodka, puisque Greta lui avait goûter une gorgée de cet alcool dans son propre verre, le soir des résultats du bac. Son amie y ajoutait beaucoup de glaçons, et un doigt de jus d'orange. Des glaçons, le réceptionniste promettait, par téléphone, d'en apporter aussitôt, et, les minutes s'écoulant, Marie commençait à se déchausser pointe contre talon, sans quitter du regard la fenêtre, où s'inscrivait l'incendie immobile du château, quand on avait frappé à la porte qui allait s'ouvrir sans doute par l'emploi d'un passe, avant qu'elle n'eût la possibilité de répondre, et encore moins le temps de recomposer ce masque d'impassibilité qu'elle copiait depuis toujours sur Greta, et derrière lequel elle avait appris à dissimuler ses émotions, à se défendre de la curiosité d'autrui, et des vexations subies au bureau, qui, du coup, coulaient sur elle.

Tout ce que je sais de Marie, Angelo Rinaldi