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Propos insignifiants
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28 novembre 2008

Ça ressemble à une terrible erreur judiciaire.

Jean-Louis Fournier racontait récemment à un journaliste d'un grand quotidien belge : « Chaque fois que j'allais dans une Fête du livre, un imbécile me demandait : " C'est vous qui avez écrit 'Le Grand Meaulnes' ? " Je répondais "non" parce que je suis honnête, mais il avait l'air déçu, alors j'ai écrit "Le Petit..." » Tout l'esprit de l'inventeur de « La Noiraude » et d'« Antivol », histoires d'une vache et d'un oiseau totalement allumés, est là. Mais, après une vingtaine de livres et plus de deux cents téléfilms, ce compagnon de route de Pierre Desproges-pour qui il réalisa l'immortelle « Minute nécessaire de Monsieur Cyclopède »-vient d'entrer dans la Chambre des lords de la littérature avec ce petit bijou d'humour noir et de désespoir tempéré qu'il consacre à Mathieu et Thomas, ses deux enfants handicapés, « pour qu'on ne les oublie pas, qu'il ne reste pas d'eux seulement une photo sur une carte d'invalidité ». Avec ces enfants « pas comme les autres », Fournier écrit n'avoir « pas eu à hésiter entre filière scientifique et filière littéraire. Pas eu à nous inquiéter de ce que vous feriez plus tard, on a su rapidement que ce serait : rien ». Il ajoute que, grâce à eux, bénéficiant d'une vignette automobile gratuite, il a pu rouler dans des grosses voitures américaines. En bas de page, cette note : « En 1991, date de la disparition de la vignette, on n'a plus eu intérêt à avoir des enfants handicapés. »

Qui mieux que Fournier peut démontrer aujourd'hui que l'humour reste bien la politesse du désespoir ? Mathieu et Thomas ont un corps qui s'effondre, des mains qui tremblent, des yeux qui ne voient pas bien clair et n'ont pour tout vocabulaire que « fites » pour dire frites et un répétitif « où on va, papa ? » auquel Fournier, à la centième fois, répond : « On va cueillir des amanites phalloïdes et on fera une bonne omelette. » Qu'on ne s'y trompe pas : Fournier est d'une tendresse infinie pour ses enfants qui ont « de la paille dans la tête » : « Ils n'auront jamais de casier. Ils sont innocents. Ils n'ont rien fait de mal, ils ne sauraient pas. Je ne comprendrai jamais pourquoi ils ont été punis si lourdement. C'est profondément injuste, ils n'ont rien fait. Ça ressemble à une terrible erreur judiciaire. »

Le Point, 23 octobre 2008.

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Propos insignifiants
  • Promenade buissonnière parmi les livres et les écrivains, avec parfois quelques détours. Pas d'exhaustivité, pas d'ordre, pas de régularité, une sorte de collage aussi. Les mots ne sont les miens, je les collectionne.
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