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Propos insignifiants
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15 septembre 2011

Vous comprendrez pourquoi rien n'a jamais été pardonné à cet homme

De la Révolution, "vérité secrète d'une rupture à comprendre, à ouvrir, à traverser", écrit Crépu, et dont Chateaubriand a dit lui-même qu'elle "s'est divisée en trois parties qui n'ont rien de commun entre elles : la République, l'Empire et la Restauration", est sorti un "nouveau Montesquieu", le "premier théoricien du processus totalitaire" enseigné par la Terreur jacobine - ainsi qu'un implacable analyste de l'ancienne métaphysique de la grandeur progressivement dégradée dans le monde des "débris" politiques remplaçables qu'inaugurent les Temps modernes. Mais Chateaubriand n'a pas seulement vécu la charnière de l'Ancien régime vers le Nouveau, admirablement saisi les origines de la fin d'un monde et l'énigme de celui qui commençait : il a voulu jeter une passerelle entre la monarchie, le catholicisme et la liberté dont il fut un défenseur acharné. Trop aristocrate et royaliste pour la gauche ; pas assez réac nostalgique pour la droite ("anarchiste" selon Maurras) ; ennemi du despotisme napoléonien comme de l'"ultraïsme" de Charles X, de la médiocrité louis-philipparde, mais aussi du progressisme et de l'égalitarisme, il aura tenu, au fond, tout entier dans ce mot qu'il eut au sujet de Thiers : "Il comprenait tout, hormis la grandeur qui vient de l'ordre moral." Son drame ? "Avoir eu des imbéciles pour amis politiques." Et souffert d'un "délit de sale gueule" : "Trop d'élégance, trop d'intelligence bien-fondée, trop de succès de librairie et avec les femmes, trop de qualités en somme pour qu'on les supporte à l'échelle d'une haute fonction."

Ajoutez que ce "jean-foutre qui avait raison sur les choses graves" s'aimait assez pour préférer le bonheur au reste, choisir "plutôt les ennuis, le déclassement professionnel, que l'aveu d'une défaite sur le front du goût" en se vivant comme "le dernier catholique heureux après la Révolution", vous comprendrez pourquoi rien n'a jamais été pardonné à cet homme dont la parodie s'appelle Malraux et le seul héritier Claudel.

LE SOUVENIR DU MONDE. ESSAI SUR CHATEAUBRIAND de Michel Crépu. Grasset.

Le Monde, 15 septembre 2011.

Commentaires
Propos insignifiants
  • Promenade buissonnière parmi les livres et les écrivains, avec parfois quelques détours. Pas d'exhaustivité, pas d'ordre, pas de régularité, une sorte de collage aussi. Les mots ne sont les miens, je les collectionne.
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