Simon Liberati par Françoise Xenakis
Anthologie des apparitions
de Simon Liberati
PAR FRANÇOISE XENAKIS
[30 septembre 2004] Le Figaro
Claude, le héros, est d'évidence dans la dèche. Mais il lit – s'il vous plaît ! –, attablé dans un café minable de la porte des Lilas, l'Introduction à la vie dévote de saint François de Sales.
On apprend qu'il a eu une petite soeur qu'il aimait plus que tout, et il aurait dû savoir la protéger : «Mais pourquoi la protéger alors qu'une faiblesse aussi stupéfiante constituait l'essentiel de sa grâce...» Enième petite Lolita des années 80-90, «elle sortait à demi-nue à 15 ans, titubante sur ses chaussures à talon de 12 centimètres». Son charme, ses charmes, sa manière de ne pas avoir envie de dire non, ont permis au frère et à la soeur de fréquenter au plus près ce monde mythique des riches et des drogués qui s'agglutinent, la nuit venue, dans quelque Elysée-Matignon et qui, l'été arrivé, s'envolent vers Saint-Tropez ou Ibiza, où il y a plus de cinquante ans Vadim usait déjà ses espadrilles de corde.
Pour ces deux-là, c'est le nirvana : alcool, drogues, échangisme, inceste, et j'en oublie. Et puis un jour la petite soeur disparaît. Plus tard on apprend qu'elle est morte, et lui de s'enliser dans l'alcool et le chagrin.
Que Simon Liberati me pardonne si ce récit est celui d'une réelle douleur, mais je parie un kopek qu'il a cherché un sujet dans l'air du temps, qui soit «trash» et de nature à choquer le bourgeois. D'autant qu'il y a en ce moment quelques éditeurs qui s'y entendent à exploiter cette veine. Mais – manque de chance ? paresse ? – ce roman arrive trop tard, et comme une figure obligée de la danse romanesque de la rentrée. D'où l'impression de déjà-vu, déjà-lu. Le style de Simon Liberati est aisé, élégant. On parlera même d'un certain ton.
Souvent le deuxième roman d'un auteur est loupé. Peut-être réussira-t-il le sien s'il accepte de moins s'admirer en train d'écrire.