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9 octobre 2004

Amélie Nothomb dans Libération

Littérature française
Nothomb, une faim en soi
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La faim est-elle le comble du désir? Autobiographie de la fameuse affamée.

Par Jean-Baptiste HARANG
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jeudi 30 septembre 2004 (Liberation - 06:00)
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Amélie Nothomb
Biographie de la faim
Albin Michel, 250 pp., 16,90 €.

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biographie de la faim est un roman à clé. Mais ce n'est pas un roman et la clé est sur la porte puisque le seul renseignement qui est fourni au lecteur sur le dos du livre, avant qu'il l'ouvre, est celui-ci, entre guillemets (c'est une citation de la page 22) : «La faim c'est moi.» L'affaire est entendue, si l'auteur fait la biographie de la faim et que la faim c'est elle, Biographie de la faim est son autobiographie. Et cela tombe plutôt bien, car les livres de Nothomb qu'on préfère s'occupent d'Amélie. On ne sait pas si elle les publie dans l'ordre de leur écriture (elle dit en avoir une petite vingtaine d'avance), on constate qu'ils sortent dans le désordre du fil du temps comme si le temps lui donnait son fil à retordre.

Biographie de la faim trouvera sa place dans votre puzzle nothombien entre Stupeurs et tremblements et la Métaphysique des tubes. Notons bien que ces deux-là, déjà, avaient paru dans l'ordre inverse des aiguilles de notre montre, le premier racontait l'expérience de l'auteur, stupéfiante et tremblante, dans une entreprise japonaise lorsqu'elle avait vingt ans et plus, le second disait qu'une enfance à Kobé relève autant de la mécanique des fluides que de l'ontologie des tuyaux. Biographie de la faim reprend le lecteur là où la Métaphysique des tubes l'avait laissé, sous la goulée d'une petite fille de trois-quatre ans, alcoolique à force de finir les coupes de champagne des soirées de l'ambassadeur («Mes parents avaient la mondanité pour métier», page 53), vaguement suicidaire et donc très précoce, et va le conduire, le lecteur, à la veille de Stupeurs et tremblements, de retour au Japon après un long et lent tour du monde dans les valises diplomatiques de ses parents, Pékin, New York, Dacca, Bruxelles.

La clé est sur la porte, mais on n'entre pas de plain-pied dans le récit de cette enfance, il faut jouer le jeu du titre, se laisser bercer de l'illusion d'une monographie, voire d'un essai drolatico-scientiste, un atlas paradoxal de la faim : la fable du Vanuatu où l'on ne connaît pas la faim et qui, partant, n'intéresse personne («ce désintérêt me fascine»), et ces ressortissants, ces commensaux d'un jour, qui «touchaient à peine à la nourriture, à la manière non pas des ascètes, mais des gens qui sortent de table». Et plus loin : «L'absence de faim est un drame sur lequel nul ne s'est penché.» Encore plus loin : «Le contraire du Vanuatu n'est pas difficile à situer : c'est partout ailleurs. Les peuples ont ceci de commun qu'ils ont forcément connu la famine au cours de leur histoire. La disette, ça crée des liens. On a de quoi se raconter. La championne du monde du ventre vide, c'est la Chine (...). La première question qu'un Chinois pose à un autre Chinois est toujours : "As-tu mangé ?" Les Chinois ont dû apprendre à manger l'immangeable, d'où un raffinement inégalé dans l'art culinaire.» Mais cette biographie de la faim, promise et tenue avec vaillance pendant deux ou trois douzaines de pages, se laisse très vite grignoter par l'autobiographie d'Amélie Nothomb, elle prend le dessus dès la page 35, «Ma mère décida très vite que j'étais mon père», malgré quelques soubresauts héroïques de la conférencière : «Si Dieu mangeait, il mangerait du sucre», page 39. Mais on ne peut pas lutter contre le bagout de cette petite fille endiablée qui a tant de choses à nous raconter entre boulimies et anorexies contrariées. Dire qu'elle parle le «franponais», qu'elle n'a pas faim d'anglais, cette langue trop cuite, qu'elle est sujette à la potomanie, qu'on peut avoir faim des autres, que le dictionnaire est l'atlas des mots, qu'on peut avoir deux ou trois ans de différence avec sa soeur jumelle, que le langage est de la cervelle en train de bouger, qu'on peut décider, à dix ans passés, de ne jamais créer de léproserie et tenir parole. Se faire violer par les mains de la mer. Ecrire vingt ans plus tard le portrait acidulé, lucide, tendre sans attendrissement, drôle et désespérant d'une petite fille qui ne ressemble pas aux autres et qui deviendra un écrivain qui lui ressemble.

Commentaires
D
bonjours amélie je voudrai savoir apres avoir lu et relu votre livre "biographie de la faim" quel aspect de notre société taitte t il? merci de bien vouloir m en informé
T
amélie, je croyai en ayant lu un commentaire dans un journal que vous répondiez à tous vos lecteurs. Or, ce n'est pas le cas avec moi puisque vous ne m'avez pas répondu sur l'authenticité de vos souvenirs dans "Métaphysique des tubes" !!!!!!! <br /> <br /> merci de me répondre car je ne voudrai pas en venir a contredire ce que vous dites publiquement...<br /> <br /> mes sinceres et respectueuses salutations
Propos insignifiants
  • Promenade buissonnière parmi les livres et les écrivains, avec parfois quelques détours. Pas d'exhaustivité, pas d'ordre, pas de régularité, une sorte de collage aussi. Les mots ne sont les miens, je les collectionne.
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