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Propos insignifiants
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31 octobre 2004

Premier amour

Le Premier Amour
de Santiago H. Amigorena

PAR PIERRE-JEAN RÉMY de l'Académie française
[28 octobre 2004]


Le Premier Amour, de Santiago H. Amigorena, POL, 409 p., 22€.   

Le Figaro littéraire

Ne me raconte pas ta vie ! C'est qu'ils sont si nombreux aujourd'hui ceux, et surtout celles, qui nous le débitent à cru, le récit sur le vif, mais dûment enveloppé du pauvre foulard romanesque de rigueur, de leurs maigres amours ou de leurs grasses étreintes. On triche un peu, beaucoup, mais si tristement que, pour peu que papa ait fauté un jour avec vous, ça peut faire un malheur. Il n'en est que plus rafraîchissant de tomber sur un auteur qui nous la raconte, certes, sa vie, mais qui ne se croit pas obligé d'en faire un roman pour nous dire, avec une superbe candeur, tout, absolument tout, sur un tout petit bout de cette vie-là, sa dix-septième année.

L'auteur, d'abord : après tout, c'est le personnage principal. Il nous apprend qu'il est très grand, qu'il est très beau et qu'il est argentin d'Uruguay, ou le contraire. Il nous affirme aussi que toutes les filles sont folles de lui, ce qui serait plutôt pour nous déplaire, mais il l'avoue si ingénument. Et en une si jolie langue. Nous savons surtout qu'à quarante ans, il est l'un des très bons scénaristes du cinéma d'aujourd'hui – Le Péril jeune, vous vous souvenez ? – et qu'il s'est lancé voilà quelques années dans cette bien étrange entreprise, que le pauvre Jean-Jacques croyait sans exemple avant lui et sans imitateur après lui : se raconter donc, vrai de vrai, avec volupté. Et il en est déjà à son quatrième volume, le beau Santiago !

Mais il n'est pas encore arrivé bien loin pourtant, seulement en 1979, quand, lycée de filles, le lycée Fénelon ouvrait ses portes, mixité oblige, aux garçons : deux garçons parmi trente filles dans la terminale de l'heureux Santiago. Entre boulevards Saint-Germain et Saint-Michel, le coin de la rue de l'Eperon et la pâtisserie viennoise de la rue de l'Ecole-de-Médecine, suit le récit du premier amour. Et on le suit avec lui à la trace, ce premier amour.

Le scénariste devenu mémorialiste de lui-même a tout noté, tout enregistré, et il nous restitue tout, ses itinéraires dans Paris et la découverte éblouie d'un corps jusque dans sa plus secrète intimité, ses amis, ses voyages, Patmos, Venise, Rome. Avec un soin méticuleux, jusqu'à ces notes retrouvées au dos d'un ticket de métro, et avec une si pudique impudeur.

Mais ce journal reconstitué à tous les temps d'un passé au présent, devient aussi la chronique d'une génération qui nous paraît tellement lointaine et si proche en même temps. Et ce grand dadais fou d'amour pour une comédienne dont il ne nous cache rien, pas même vraiment le nom, devient, lui, comme un grand petit frère dont la formidable folie et les incroyables indiscrétions nous ravissent peu à peu.

On conseillera seulement à ceux qui le rencontreront demain d'être sur leurs gardes, parce qu'ils se retrouveront après-demain dans le prochain volume. Quant aux autres, ils se laisseront envahir par une langue obsédante de nostalgie poétique à force d'être obsédée de ces minuscules souvenirs qui tissent une mémoire, celle de Santiago Amigorena, qui semble insidieusement se fondre à la nôtre.

Commentaires
Propos insignifiants
  • Promenade buissonnière parmi les livres et les écrivains, avec parfois quelques détours. Pas d'exhaustivité, pas d'ordre, pas de régularité, une sorte de collage aussi. Les mots ne sont les miens, je les collectionne.
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