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10 novembre 2004

Le Médicis pour Marie Nimier

Médicis : Marie Nimier, un père passe

Par Bruno CORTY
[05 novembre 2004]

Le Figaro littéraire

C’est un écrivain original, tout à la fois facétieux et grave, débordant d’imagination, de drôlerie et de grâce que viennent de couronner les jurés du Médicis.
Un écrivain qui, vivant dans l’ombre paternelle, s’est toujours interdit la facilité qui aurait consisté à exploiter le filon du mythe Roger Nimier, hussard fauché en pleine jeunesse dans un accident de voiture. C’était en 1962. Marie avait cinq ans.

Artiste au départ, celle qui fut comédienne, musicienne est entrée en littérature par hasard, au milieu des années quatre-vingt. Une thèse sur les sirènes avait attiré l’attention de Françoise Verny qui lui conseilla d’en faire un roman. Ce fut Sirène, en 1985, couronné par l’Académie française.

Depuis Marie n’a plus arrêté d’écrire. A son compteur de conteuse, sept romans, traduits dans le monde entier, des histoires pour enfants et des textes pour des chanteurs aussi différents que Jean Guidoni, Régine, Juliette Gréco, Johnny Halliday.

Auteur doué, Marie Nimier est de ces gens lumineux à qui tout semble réussir. Parfois ce n’est qu’une façade, un trompe-l’oeil. On sait, dans le cas de Marie, qu’une ombre pesait sur sa vie, un manque aussi, dont elle ne voulait ou ne pouvait parler.

En 2002, dans La Nouvelle Pornographie, elle avait tenté une approche via le personnage du roman, une certaine Marie Nimier, écrivain. Ce n’était pas grand-chose, juste quelques phrases sur le père. Mais déjà un premier pas franchi. Elle tenta ensuite d’écrire un roman sur lui. En vain. Et puis, en septembre, le miracle eut lieu. Marie publia chez Gallimard La Reine du silence, livre quête, enquête sur ce père parti depuis plus de quarante ans.
« Mon père a trouvé la mort un vendredi soir, il avait 36 ans. » La première phrase est sobre, comme un compte rendu de justice. Cent soixante-dix pages plus tard, cet aveu : « Et pour la première fois depuis longtemps, je me suis sentie apaisée, comme si le monde enfin marquait une pause. » Entre ces deux bornes, le récit chaotique, difficile, d’une rencontre avec un inconnu. Difficile parce que le Nimier des copains, des biographes, le Nimier amateur de soldats de plomb, d’armes, le royaliste proche de Céline, le Nimier « officiel », n’est pas celui que Marie cherche.

C’est le père, l’époux, qui l’intéresse. Interrogée, la mère, Nadine, passe aux aveux. La vérité d’hier était trompeuse. Le beau mariage sombrait. Le père buvait, le père, quand il était là, pouvait être violent, le père avait tenté de se tuer. Comme Marie qui, un jour de 1985, se jeta dans la Seine après avoir avalé des pilules. Elle ignorait alors que, dans une lettre à un ami, le père, écrivait au lendemain de sa naissance : « Au fait, Nadine a eu une fille hier. J’ai été immédiatement la noyer dans la Seine pour ne plus en entendre parler. » Humour noir, prémonitoire, dévastateur. Marie encaisse, passe à la suite. Elle n’est pas là pour régler des comptes, pour se venger.

Elle distille les images d’un père qui n’apparaît jamais sur les photos avec ses enfants. Qui ne veut pas être dérangé. Elle se souvient avoir reçu une carte postale avec, écrite en lettres capitales, cette question piège qui donne son titre au livre : « Que dit la Reine du Silence ? » On lui a aussi raconté que, dans son berceau de petite fille, le père avait posé un petit ange qui brandissait un panneau « Silence ». C’est bien de cela qu’il s’agit dans ce livre bouleversant, douloureux, sincère : briser le silence instauré par le père enfui pour vivre avec autre chose qu’un fantôme. Pour vivre tout court.

« A écouter Marie on éprouve l’impression de recueillir la confession du voyageur d’un train qui, ayant besoin de soulager son coeur, vous prend pour confident parce qu’il sait qu’il ne vous reverra plus jamais », écrivait Angelo Rinaldi à la sortie du livre (Le Figaro littéraire du 19 août). Et il ajoutait : « Chacun aimera monter dans le wagon où ses yeux bleus, sa voix tour à tour mélancolique, rieuse et âpre, la signalent. »...

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Propos insignifiants
  • Promenade buissonnière parmi les livres et les écrivains, avec parfois quelques détours. Pas d'exhaustivité, pas d'ordre, pas de régularité, une sorte de collage aussi. Les mots ne sont les miens, je les collectionne.
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