Le chef des esclaves révoltés
Monique Nemer donne de l'extraordinaire complication généalogique de cette famille recomposée une analyse compréhensive qui est l'un des aspects les plus enrichissants de son livre. Dédié à Bertrand Delanoë, ce livre l'est aussi, implicitement, à ses électeurs parisiens qui ont su, en l'élisant, dépassionner une question vitale de la liberté. Il aurait pu être dédié pareillement à un musulman ou une musulmane qui aurait la même intrépidité que Gide. L'essai articule parfaitement le souci d'"intérêt général" et de sauvegarde du particulier qui incite, au début des années 1930, Gide à placer foi et espoir dans la construction du socialisme en URSS, puis, quand il constate, sur place, le monstrueux conformisme moral, intellectuel et politique, qui écrase le peuple sous la dictature stalinienne, à dénoncer celle-ci publiquement, en 1936. Un écrivain sagace a rendu à Gide l'hommage mérité, François Mauriac, écrivant, à sa mort, en 1951 : "Il y a un Spartacus dans Gide. Il a été le chef des esclaves révoltés au centre même de l'ordre romain." Et ajoutant, optimiste, que ce Spartacus-là a triomphé. Vraiment ? Partout ?
Le Monde, 20 octobre 2006, à propos de Essai sur André Gide et l'homosexualité de Monique Nemer.