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11 septembre 2008

Rendez-vous dans dix ans

La mort rôde, elle ne viendra pas sous la forme qu'on redoutait, beaucoup plus bête, violente, quotidienne. Le livre déborde de moments magiques, fragiles, lumineux : des figurants en uniforme d'époque rejouent une célèbre bataille en pleine ville, une serveuse a peur de devenir folle, un jeune garagiste en salopette lit Gatsby le magnifique dans l'édition Scribner's, un renard affolé dans le salon d'une maison à vendre. Ford, dont les phrases sinueuses retombent toujours sur leurs pieds, décrit les remords, les espoirs, les occasions manquées, la tristesse, les malentendus. Voici Bascombe regardant ce nigaud de Paul sortir de l'océan, avec ses kilos en trop, ses pieds en canard : « Il n'a pas l'allure que vous voudriez pour votre fils. » L'âge gagne du terrain.

Frank a soudain des absences ce long tunnel de panique muette lorsqu'il oublie le nom de son collègue qui est en face de lui. Sur la solitude de Frank, Richard Ford n'a pas besoin de convoquer les grandes orgues. Il lui suffit d'évoquer une voiture qui s'arrête devant le porche. À l'intérieur, Bascombe, le cœur battant, croit que c'est sa fille chérie qui revient d'une escapade avec un crétin. Mais non, il s'agit simplement du livreur de journaux, qui balance le quotidien local sur le gravier de l'allée. Dis, Frank, on ne va pas se quitter comme ça, avec cette Amérique à vau-l'eau et ce destin en pointillé ? Rendez-vous dans dix ans. Promis, hein ?

Eric Neuhoff


L'État des lieux de Richard Ford traduit de l'anglais (États-Unis) par Pierre Guglielmina Éditions de l'Olivier, 732 p., 24 €.

Commentaires
C
Neuhoff est un bien meilleur critique littéraire que cinématographique (cf ses prestations au Masque et à la Plume...)
Propos insignifiants
  • Promenade buissonnière parmi les livres et les écrivains, avec parfois quelques détours. Pas d'exhaustivité, pas d'ordre, pas de régularité, une sorte de collage aussi. Les mots ne sont les miens, je les collectionne.
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