Un film "Brigitte"
Ce transit de personnalités entre les deux personnages trouve son écho dans un étonnant trafic physique entre les actrices : Ludivine Sagnier (Lily) n’est pas très jolie quand elle chiale, renifle et trépigne, mais elle est belle comme une jeune sorcière des bois quand elle mène ses sabbats particuliers (tricoter des pulls aux arbres, ce genre…) dans une cabane de facteur Cheval, où elle joue à la petite fiancée du pirate avec les gars du coin. Diane Kruger (Clara) est plus qu’une belle tête, tant qu’elle la garde sur ses ravissantes épaules, mais elle est aussi jolie à faire peur, et même diabolique, lorsque passe sur son visage de glace l’orage d’une folie foudroyante dont on ne voudrait pas être le paratonnerre.
Et les hommes ? A bas les éternels maris, vive les amants de passage. Pieds nus… est un film «Brigitte», c’est-à-dire, selon un concept autrefois mis au point par le cinéaste Jean-Claude Biette, un film où le point de vue féminin domine. Entre marchande de confitures et dealeuse en chaussons fourrés, son dénouement hippie se veut heureux. Autant dire, rêvé. Mais son apparent réalisme est de nouveau un faux ami, une magie de plus dans un film qui exhale bien d’autres sortilèges.
Libération, 1 décembre 2010.