Un mixte de Voltaire et d’Emmanuel Berl
C’est que Jean d’O, désormais, n’est plus un écrivain : c’est une icône, une marque « vintage », synonyme de cravate en maille sur une chemise pervenche et d’esprit français comme on n’en fera plus. Rien de truqué là-dessous : anachronique de naissance, il n’a eu qu’à laisser le temps le ringardiser un peu plus, jusqu’à en devenir « culte ». Au siècle d’Internet, cet aristo agrégé vit toujours comme en 1975 : il écrit ses livres au crayon, habite un hôtel particulier néo-Louis XVI dans une voie privée de Neuilly, et se fait servir à table par un majordome. « Il ne possède ni montre, ni téléphone portable, ni ordinateur, à peine un portefeuille » , sourit sa fille Héloïse. Est-ce sa faute si l’âge le fait chaque jour ressembler un peu plus à un mixte de Voltaire et d’Emmanuel Berl ? L’été, on le trouve dans quelque villégiature méditerranéenne ; l’hiver, il skie à Courchevel ( « J’ai un moniteur que j’adore, il s’appelle Marcel » , dit-il, comme il parlerait d’un fidèle valet de pied). Quand il signe ses livres, on croirait voir un châtelain dansant avec les villageoises. Mais la moitié de ses fans, désormais, a moins de 30 ans. « Ceux-là, je me doute bien qu’ils ne m’ont pas lu, qu’ils m’ont seulement vu à la télé » , feint-il de s’inquiéter. « Savez-vous , reprend-il, ravi, qui sont les trois personnes qui ont le plus fait pour ma situation actuelle ? Eh bien, ce sont Laurent Gerra, la chroniqueuse de Elle Fonelle, et Julien, de "La nouvelle star" ! » Lequel Julien, non content d’avoir tatoué sur son avant-bras le nom de l’académicien, a monté un groupe intitulé The Jean d’Ormesson Disco Suicide.
François Dufay, Le Point, 21 juin 2007.