L'unique principe de Patrick Besson
J'aime entrer dans un cinéma vide, au début de l'après-midi. Surtout au printemps. Pour l'occasion, on devrait changer l'orthographe d'entrer : antrer. C'est une projection presque privée. Mieux qu'une projection privée, car il y a encore moins de monde. Pour « La liste de Carla », au Racine, on était neuf. Ça m'a rappelé ce jour de 1999 où, à l'UGC Montparnasse, j'ai vu « A mort la mort ! » de Romain Goupil. On était trois et le troisième, c'était moi qui l'avais amené : Anthony Palou. On s'est assis au milieu de la salle, l'autre spectateur - peut-être était-ce une spectatrice, une ex de Romain ? - occupant un siège dans les derniers rangs. Pendant le film, Anthony s'est retourné et a constaté que la personne avait disparu. Il me proposa qu'on s'en aille nous aussi. La fin du film aurait alors été projetée devant une salle déserte. Très « situ ». J'ai refusé. Je ne quitte jamais une salle de cinéma avant la fin d'un film. C'est l'un de mes rares principes. Le seul ?
Patrick Besson, Le Point, 21 juin 2007.