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25 mars 2011

Un poète du roman

J'ai découvert Kundera quand je vivais à Budapest. J'avais 18 ans, et j'étais ingénu. Selon les termes de Kundera, j'étais lyrique. J'étais allé à Prague, en touriste, avec ma copine, et dans la maison de Kafka j'ai acheté L'Art du roman. A l'époque, j'avais la certitude de vouloir devenir poète. Je voyais le roman comme un genre compromis et bourgeois : une maladie du réalisme. La poésie était le véritable art de la langue.

Dans le train du retour, la lecture de Kundera m'a bouleversé. Il existait donc un "art" du roman ! En Angleterre, on a toujours tendance à penser que, dans un roman, seuls le sujet et le contenu importent. Mais Kundera parlait de constructions romanesques comme de machines aussi minutieuses et fragiles que des poèmes. Je découvrais en lui un poète du roman. Sur les ruines de son soi antérieur, dit René Girard quelque part dans son livre Mensonge romantique et vérité romanesque, le romancier construit son soi nouveau. Et à Budapest, je décidai de devenir romancier, en m'inscrivant non pas dans la tradition britannique mais dans le sillage européen, depuis Cervantès.

Juste après L'Art du roman, j'ai lu La Lenteur, et j'ai été frappé par deux choses. La première, je dois l'avouer, c'était l'autorité, la liberté avec laquelle Kundera parlait de sexe. Quelle sagesse ! Mais ce qui m'a fasciné surtout, c'était la composition : l'aspect musical de l'ensemble. Cette façon de baser un style sur la juxtaposition, le collage, avec des chapitres courts, des jeux de tempo, etc. (chez Kundera, le tempo est toujours précis et juste). Oui, cette façon de jouer librement avec l'univers tonal, la forme, les perspectives, est peut-être la chose qui m'a le plus marqué chez Milan Kundera.

Adam Thirlwell, Le Monde, 24 mars 2011.

Commentaires
Propos insignifiants
  • Promenade buissonnière parmi les livres et les écrivains, avec parfois quelques détours. Pas d'exhaustivité, pas d'ordre, pas de régularité, une sorte de collage aussi. Les mots ne sont les miens, je les collectionne.
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